Rôle central des cellules souches et des télomères au cours du vieillissement
Épuisement des cellules souches au cours du vieillissement
Avec l’âge, on observe une diminution du nombre de cellules souches de l’organisme ainsi qu’un mauvais renouvellement des cellules somatiques, ce qui est à l’origine de la dégradation des organes au cours du vieillissement [1].
En biologie cellulaire, une cellule souche est une cellule indifférenciée capable, à la fois de générer des cellules spécialisées par différenciation cellulaire et de se maintenir dans l’organisme par prolifération (ou division asymétrique). Les cellules souches sont présentes chez tous les êtres vivants multicellulaires. Elles jouent un rôle central dans le développement des organismes ainsi que dans le maintien de leur intégrité au cours de la vie.
L’épuisement du stock de cellules souches fait partie des risques impliqués dans les processus de vieillissement [1]. Elles ont la capacité de continuer leurs cycles de division cellulaire, au-delà de la limite d’Hayflick (Voir : Télomère, au cœur des processus de vieillissement). Ce phénomène est en parti dû à la présence de la télomérase, enzyme chargée de synthétiser les télomères, qui est fortement exprimée au sein d’une cellule souche normale [1].
Altérations de la télomérase dans les cellules souches assimilés aux signes du vieillissement
La télomérase est exprimée à un niveau très élevé durant le développement embryonnaire, puis son expression est diminuée quelques semaines après la naissance dans la majorité des tissus adultes, à l’exception de certains types cellulaires : les cellules souches ainsi que les cellules ayant un renouvellement rapide, comme les cellules lymphocytaires ou les kératinocytes de la peau [1]. Le fait que l’activité de la télomérase soit surtout réservée aux cellules souches suggère que son niveau d’expression dans ces cellules pourrait être déterminant pour la préservation de l’organisme.
Au cours des dernières années, le rôle spécifique de la télomérase dans les cellules souches a commencé à être élucidé, en particulier chez les cellules souches hématopoïétiques (CSH) [2][3], les cellules souches épidermiques (CSE) [4] et les cellules souches neuronales (CSN) [5]. Par exemple, il a été observé que chez les hommes et les souris, les CSH perdent de l’ADN télomérique avec l’âge. Ce raccourcissement progressif des télomères semble agir comme une barrière au développement des CSH, limitant alors la régénération des cellules hématopoïétiques et le renouvellement de toutes les lignées des cellules sanguines [2].
Concernant les CSE, le rôle de la longueur des télomères et de l’activité télomérase a été établie à partir de modèles de souris TERC-/-, ne disposant plus du gène codant pour la télomérase. Chez ces souris, le raccourcissement des télomères est associé à une diminution des fonctionnalités des CSE et une inhibition de la mobilisation des CSE (prolifération et migration) en dehors des niches de follicules pileux [4]. Chez ces souris ayant des télomères d’une taille critique, on retrouve des problèmes de régénération de la peau et des cheveux, signes du dysfonctionnement de ces CSE. En dehors des cellules épidermiques, il a été observé chez ces souris TERC -/- que d’autres tissus possédant un taux de renouvellement cellulaire élevé, comme les cellules de la moelle osseuse, de l’intestin et des testicules, présentent des atrophies associées à des télomères très courts [1]. Toutes ces observations confirment le fait que les télomères et la télomérase entrent en jeu dans les mécanismes de préservation des cellules souches et de la santé des tissus dans l’ensemble de l’organisme.
Modification de l’environnement des cellules souches par raccourcissement des télomères
Si le raccourcissement des télomères avec l’âge est un facteur altérant le bon fonctionnement des cellules souches, il semblerait que ce processus ait également un impact sur leur environnement cellulaire, ce qui pourrait accentuer la détérioration des cellules souches au cours du vieillissement [1]. En effet, il a récemment été démontré que de courts télomères pourrait avoir des effets négatifs sur le microenvironnement des cellules souches [6]. Toujours chez des souris ne disposant plus du gène TERC, il a été observé des perturbations dans le fonctionnement des CSH suite à un raccourcissement accéléré des télomères. Cela a pour conséquence d’affecter directement la fabrication des lymphocytes B, responsables de la synthèse d’anticorps, mais aussi d’augmenter la prolifération myéloïde, provoquant un cancer du sang caractérisé par une prolifération incontrôlée des globules blancs. De plus, les différentes modifications de l’environnement cellulaire ont également eu pour conséquence de limiter la capacité d’un tissu à accepter une greffe de cellules souches de la moelle osseuse [6]. Un lien de cause à effet a été démontrée entre ces altérations du microenvironnement des cellules souches et l’âge et ont été corrélées au raccourcissement progressif des télomères des cellules souches.
Ainsi, en plus de déterminer l’entrée en sénescence d’une cellule somatique, le télomère et la télomérase sont impliqués dans les processus de préservation des cellules souches, cellules indispensables pour le maintien de l’organisme. Si l’activité de la télomérase semble se dégrader avec l’âge, ses altérations semblent accélérer les mécanismes du vieillissement en entraînant la dégradation des cellules souches. Ces dernières semblent être de bonnes cibles thérapeutiques, basés sur la régulation de la télomérase et le maintien des télomères, dans le cadres de la lutte contre le vieillissement.
Tous les articles de notre dossier « Télomères et vieillissement » :
Les télomères : au cœur des processus de vieillissement
Le raccourcissement des télomères est connu pour avoir une influence sur le vieillissement sans que cela ne soit pleinement explicité. Mais comment fonctionnent-ils ? Sur quels mécanismes biologiques agissent-ils ? Et pourquoi les qualifier d’ « horloges biologiques » de notre corps ?
Partie 1 : Causes et effets du raccourcissement des télomères au cours du vieillissement
La vitesse de raccourcissement des télomères et le vieillissement varient d’un individu à l’autre, sans que cela ne soit encore pleinement clarifié. En effet, les causes qui pourraient expliquer les différences de longueur de télomères sont très variées.
Partie 2 : L’influence de la télomérase sur les télomères et le vieillissement
La longueur des télomères et la télomérase semblent être des facteurs clés du processus de vieillissement. De nombreuses études sur les maladies dues à des mutations des composants de la télomérase ont démontré que cela entraîne un mauvais renouvellement des cellules, soit l’un des phénotypes liés à l’âge.
L’expression de la télomérase est diminuée quelques semaines après la naissance dans la majorité des tissus adultes, à l’exception de certains types cellulaires, telles que les cellules souches. On peut alors se demander s’il existe un lien entre la diminution du stock de cellules souches avec l’âge, le fonctionnement de la télomérase et la longueur des télomères.
Partie 4 : Vers une métrologie du vieillissement à partir du télomère
Des méthodes de métrologie du vieillissement se basant sur la longueur des télomères ont été développée. Aujourd’hui, on en dénombre 5 principales, dont TAT ou STELA. Elles permettent toutes, à partir de la longueur des télomères, de fournir des indications précieuses sur l’avancement de l’âge physiologique ainsi que sur le vieillissement.
Partie 5 : Télomères, vieillissement et thérapies
La longueur des télomères constitue une piste intéressante pour élaborer des thérapies afin de lutter contre le vieillissement. On peut citer l’exemple d’Elizabeth Parrish, PDG de Bioviva ; elle a testé sur elle-même une thérapie génique développée par son propre laboratoire, thérapie qui vise à rallonger de ses télomères afin de « rajeunir » !
Katidja Allaoui
Author
Auteure
Katidja studied biology and health engineering at the school of engineering of Angers.
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Katidja a étudié l’ingénierie de la biologie et de la santé à l’école d’ingénieurs de l’université d’Angers.
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Dr Guilhem Velvé Casquillas
Author/Reviewer
Auteur/Relecteur
Physics PhD, CEO NBIC Valley, CEO Long Long Life, CEO Elvesys Microfluidic Innovation Center
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Docteur en physique, CEO NBIC Valley, CEO Long Long Life, CEO Elvesys Microfluidic Innovation Center
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Références :
[1] Blasco, M. A. (2007). Telomere length, stem cells and aging. Nature chemical biology, 3(10), 640-649.
[2] Vaziri, H., Dragowska, W., Allsopp, R. C., Thomas, T. E., Harley, C. B., & Lansdorp, P. M. (1994). Evidence for a mitotic clock in human hematopoietic stem cells: loss of telomeric DNA with age. Proceedings of the National Academy of Sciences, 91(21), 9857-9860.
[3] Allsopp, R. C., Cheshier, S., & Weissman, I. L. (2001). Telomere shortening accompanies increased cell cycle activity during serial transplantation of hematopoietic stem cells. Journal of Experimental Medicine, 193(8), 917-924.
[4] Flores, I., Cayuela, M. L., & Blasco, M. A. (2005). Effects of telomerase and telomere length on epidermal stem cell behavior. Science, 309(5738), 1253-1256.
[5] Ferrón, S., Mira, H., Franco, S., Cano-Jaimez, M., Bellmunt, E., Ramírez, C., … & Blasco, M. A. (2004). Telomere shortening and chromosomal instability abrogates proliferation of adult but not embryonic neural stem cells. Development, 131(16), 4059-4070.
[6] Ju, Z., Jiang, H., Jaworski, M., Rathinam, C., Gompf, A., Klein, C., … & Rudolph, K. L. (2007). Telomere dysfunction induces environmental alterations limiting hematopoietic stem cell function and engraftment. Nature medicine, 13(6), 742.