Cryonie : outil transhumaniste et longétiviste ?
La cryogénisation, ou cryonie, ou cryopréservation, est une technique consistant à refroidir à l’extrême les tissus d’un corps dans le but de les préserver. Certaines entreprises proposent à leurs clients d’être cryogénisés dans l’espoir que les techniques médicales du futur puissent les sauver d’une maladie incurable ou tout simplement du vieillissement.
C’est en 1967 que James Bedford devient le premier humain cryonisé après son décès. Dans les années 1980, Greg Fahy et William F. Rall se mettent à utiliser la méthode pour la cryopréservation de cellules reproductrices.
Actuellement, seules des cellules, des tissus et quelques organes peuvent être cryopréservés de façon réversible.
L’application de cette pratique à des corps humains est controversée, car nous ne sommes pas encore capables d’inverser le processus pour sortir un organisme de son état de cryonie.
Aux États-Unis et en Russie, la procédure ne peut être réalisée qu’après la mort clinique du patient. Elle est interdite en France.
Le fonctionnement de la cryonie : l’arrêt du vieillissement post-mortem
La cryonie est une méthode de cryopréservation qui va placer le corps en dessous de -130°C et nécessite donc des cryoconservateurs, comme un antigel, pour éviter la formation de cristaux de glace dans les cellules. C’est la vitrification. Cette méthode augmente la viscosité du milieu et empêche la cristallisation, en étant accompagnée d’un contrôle sur la rapidité de refroidissement des tissus (0.2 à 2.5°C/min) [1].
Malheureusement les cryoconservateurs classiques souvent toxiques à haute dose pour les cellules, c’est pourquoi les sociétés de cryonie développent leurs propres solutions injectables de cryoconservation, telles que la solution M22. [2].
Les corps sont ensuite plongés dans des cuves d’azote liquide réalimentées régulièrement. Le plus souvent la tête en bas pour maximiser les chances de préservation en cas de problème, il arrive que des trous soient percés dans le crâne pour éviter que la pression s’y accumule. La vitesse de prise en charge du patient est critique pour la préservation maximale du corps, ou de l’encéphale, et s’accompagne d’une organisation de récupération et de préservation du corps dans l’attente de la vitrification. Il est effectivement possible de choisir de conserver uniquement sa tête.
Avancées en cryopréservation : un espoir pour le transhumanisme ?
La recherche progresse pour réussir un jour à inverser le processus : un rein a été cryopréservé en 2009, puis ramené à température ambiante et transplanté chez un lapin qui, malgré des complications diverses peu de temps après la transplantation, a pu jouir d’un rein fonctionnel jusqu’à son euthanasie 48 jours plus tard. [3]
La cryopréservation du rein est considérée comme complexe en raison de sa vascularisation caractéristique, ceci représente donc une avancée certaine dans le domaine.
Hormis les attraits de la suspension temporelle qu’elle peut représenter, développer des technologies de cryopréservation présente également un intérêt, ne serait-ce que pour la préservation « préventive » d’organes et leur transport pour des transplantations.
Les méthodes de cryonie sont donc des technologies qui méritent d’être étudiées ne serait-ce que pour l’étude des méthodes mises en oeuvre, et le potentiel pour la conservation d’organes dans le domaine de la médecine.
Concernant la vitrification humaine, c’est un pari sur l’avenir. Au moins, cela présente un espoir de réanimation, saisi entre autres par une adolescence décédée d’un cancer en 2016 [4].
Cependant, à quoi ressemblerait la vie d’un humain cryogénisé pendant des décennies qui se réveille dans un monde qu’il ne reconnait plus ?
Lutter contre le vieillissement semble être une voie moins hasardeuse, mais certains n’ont évidemment pas le temps d’attendre.
Louis Kokkinis
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Louis is responsible for the vulgarization of articles and scientific watch for Long Long Life.
He is currently studying biology remotely at Aix-Marseille University. He also works on multiple biotechnology and engineering projects.
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Louis est responsable de la rédaction d’articles de vulgarisation et de veille scientifique pour Long Long Life. Il étudie la biologie à distance à l’université d’Aix Marseille. Il est également porteur de plusieurs projets de biotechnologies et ingénierie.
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Références:
[1] Gregory M.Fahy, Joseph Saur, Robert J.Williams. Physical problems with the vitrification of large biological systems. Volume 27, Issue 5, October 1990, Pages 492-510.
[2] Phatak S, Natesan H, Choi J, Brockbank KGM, Bischof JC. Measurement of Specific Heat and Crystallization in VS55, DP6, and M22 Cryoprotectant Systems With and Without Sucrose. Biopreserv Biobank. 2018 Aug;16(4):270-277.
[3] Gregory M Fahy et Al., Physical and biological aspects of renal vitrification. Organogenesis. 2009 Jul-Sep; 5(3): 167–175.
[4] The Guardian. (2016/nov/18) 14-year-old girl who died of cancer wins right to be cryogenically frozen